Cet été, ma mère a eu un coup de nerf et elle a envoyé cette lettre au président du Conseil Général. C'est lui qui gère la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Elle a envoyé une copie à Mme Carlotti (c'est la ministre déléguée aux personnes handicapées) et à des journaux spécialisés dans le handicap.
Monsieur,
Je
suis maman d’une adolescente de 17 ans atteinte d’une microcéphalie et d’une hypoplasie
cérébelleuse. C’est une maladie génétique non évolutive mais qui ne peut
guérir. L... marche depuis l’âge de 3 ans, s’exprime difficilement, est
énurétique et encoprétique la nuit, a une double scoliose de 30°. Elle n’est
pas, et ne sera jamais autonome.
Ma
fille est née le .. juin 1995. Notre première demande à la CDES date d’octobre
1996. Elle avait donc un peu plus d’un an.
A
ce moment, L... s’était vue attribuer un taux d’incapacité de 50% pour une
durée de 2 ans.
Lors
du renouvellement en 1998 puis en 2000, le taux était compris entre 50 et 79%
et accordé à nouveau pour une durée de 2 ans.
La
neuro-pédiatre qui suivait L.., lors d’une visite en 2001, a été très
surprise par son taux d’incapacité et nous a poussés à refaire une demande afin
qu’elle passe à plus de 80%.
La
décision de la CDES est arrivée en octobre 2001. L.. avait un taux
d’incapacité de 80% et pouvait bénéficier de la carte d’invalidité mais
toujours pour une durée de 2 ans.
Depuis
L... est toujours à 80% et en 2004, ce taux a été fixé pour une durée de 4
ans puis en 2008 pour une durée de 3 ans…
Nous
en sommes à 7 demandes auprès de la CDES puis de la MDPH, uniquement concernant
le taux d’incapacité et la carte d’invalidité.
Sept
demandes en 17 ans…
En
2008, lors d’un renouvellement, nous avons reçu le nouveau formulaire de la
MDPH. Lorsque j’ai découvert la zone intitulée « projet de vie », je
me suis demandée qui avait eu cette idée lumineuse… Un projet de vie pour une
personne handicapée à 80% ?
J’ai
rempli le document. En pleurant. Je vous propose quelques passages…
« Je
suis handicapée à plus de 80%. Mon souhait serait de ne plus l’être, afin de
pouvoir mener une vie normale et faire mener à ma famille une vie normale.
J’aimerais pouvoir sortir seule, ne plus porter de couches la nuit… aller à
l’école en 4ème, avoir des amis… ne pas me faire écraser dans la rue
si mes parents ne me retiennent pas…aller dans les magasins sans que tout le
monde me regarde et que ma sœur (C..., 9 ans) en pleure… ne plus avoir de
corset, ne plus devoir subir d’anesthésie générale pour faire ce corset…
Je
suis handicapée à plus de 80% d’après une décision qui date de 2004. Voici 13
ans que je suis handicapée et je le serai toute ma vie. Si un jour je deviens
normale, je ne manquerai pas de vous en faire part »
Comment
peut-on proposer de tels documents ? Pense-t-on aux parents en le
faisant ?
L’an
passé, nous avons fait des travaux dans une maison que nous venions d’acheter et
avons décidé d’adapter la salle de bain de L... à ses besoins. Nous avons
donc fait à nouveau une demande en janvier 2011 auprès de la MDPH. Une personne
d’un organisme extérieur nous a contactés en juin 2011 (soit plus de 4
mois après notre demande) afin de nous « aider » à concevoir la salle
de bain. Lors de son appel elle souhaitait venir sur le lieu des travaux en
présence de L... afin d’évaluer au mieux nos besoins.
Nous
avons objecté qu’une maison en travaux n’est peut-être pas l’endroit le plus
adapté pour la promenade d’un enfant handicapé et que, par ailleurs, nous
avions peu envie de faire rater à L... une journée d’école pour ce
rendez-vous. Elle a donc accepté de venir sans L.... Sa visite a eu lieu le 8
juin 2011. Or, nous devions emménager le 28 juin 2011. Bien entendu, l’aménagement
de la salle de bain avait été validé depuis longtemps et cette personne n’a pu,
lors de sa venue que nous dire que cette salle de bain était parfaitement
adaptée à L...… qu’elle ne connaissait pas…
Le
compte-rendu de sa visite est arrivé le 2 août 2011. Ce compte-rendu précisait
que le dossier était envoyé à la MDPH avec toutes les factures que nous avions fournies
lors de la visite. Le Plan Personnalisé de Compensation est arrivé le 06
octobre 2011… Le département nous demandait pour pouvoir nous verser l’argent, de
fournir toutes les factures que nous avions déjà données ...
Le
virement a été effectué le 21 mai 2012 soit plus de 16 mois après notre
demande…
Sur
ce même PPC, une aide humaine nous était accordée sous réserve de déclarer au
département le nom des personnes. Sur le document à renvoyer, il n’y avait que
4 ou 5 emplacements pour les noms des aidants.
J’ai
appelé le département pour demander si j’avais bien compris et dire que L...
avait plusieurs baby-sitters, que j’avais aussi une femme de ménage. La
personne au département me dit alors : « Ah non ! La femme
de ménage ne rentre pas en compte. Ce sont uniquement les aides directes pour
votre fille que vous pouvez régler avec les chèques. »
Donc,
je n’ai pas le droit de payer une femme de ménage avec les chèques du
département ? Ce qui veut dire que je dois prendre une baby-sitter pour
s’occuper de ma fille pendant que je fais le ménage ? Trouvez-vous cela
logique ?
Fin
avril 2012, nous nous sommes aperçus que la carte d’invalidité de L... était
arrivée à terme en décembre 2011. Grave erreur… On pourrait presque penser à
une erreur de débutant… Début mai, nous avons donc envoyé une demande de
renouvellement de carte ainsi qu’une demande de PCH pour des vacances adaptées.
Le certificat médical n’ayant pas été fait (je signale au passage que le
précédent certificat n’était pas si vieux, car nous faisons des demandes régulièrement
comme vous avez pu le constater…), nous avons pensé gagner du temps en envoyant
dans un premier temps la demande… Seconde erreur… Le certificat médical est
parti quelques jours après. Mais trop tard…
Nous
avons reçu dans la semaine qui suivait la demande qui nous revenait… parce que
le certificat médical était manquant. Bien entendu, nous avons reçu quelques
jours après le certificat médical, qui du coup s’était retrouvé tout seul…
Lorsqu’une
demande arrive sans certificat, ne serait-il pas plus simple de téléphoner ou
d’envoyer un mail aux personnes concernées pour signaler l’erreur plutôt que de
renvoyer le tout ? Ne pourrait-on pas faire là quelques économies de temps
et d’argent ?
Cette
histoire nous a donc fait perdre un bon mois…
J’ai
reçu le 17 juillet le PPC précisant la somme qui nous était allouée pour les
vacances adaptées mais ne mentionnant pas l’attribution de la carte. J’ai donc
pensé que la procédure se faisait en 2 fois et que nous allions recevoir la
décision concernant la carte assez rapidement.
Troisième
erreur…
L...
doit prendre le train le 19 août avec son papa. Sa carte d’invalidité porte la
mention « besoin d’accompagnement » et nous permet donc de bénéficier
de la gratuité pour la personne qui l’accompagne en train. Voyant la date
approcher, j’ai appelé la MDPH le 30 juillet.
La
personne que j’ai eue au téléphone a été fort désagréable. J’ai expliqué ma
situation. Je vous retranscris le dialogue.
Moi :
«Je voulais savoir quand je pourrai recevoir la nouvelle carte d’invalidité de
ma fille L... »
MDPH :
« Vous avez reçu le PPC ? »
Moi :
« Oui, mais uniquement pour la PCH et il n’est pas fait mention de la
carte »
MDPH :
« C’est un dossier unique. Il faut renvoyer l’accusé de réception, ensuite
le dossier passera en commission et ensuite vous serez avisée de la décision».
Moi :
« Ah ! D’accord. Donc quand le dossier passera en
commission ? »
MDPH :
« Ah mais on ne sait pas !! »
Moi :
« Vous devez quand même savoir les dates de commission ? »
MDPH
de plus en plus désagréable :
« Mais tant qu’on n’a pas reçu l’accusé, votre dossier est bloqué ».
Moi commençant à me lasser… : « Bon.
Si je vous dépose le dossier aujourd’hui, quand pourra-t-il passer en
commission ? »
MDPH :
« Il y en a une début août, mais ce ne sera pas possible. Ensuite, il y en
a une fin août mais ce n’est pas sûr non plus… »
Moi
découragée… : « Ma fille
prend le train le 19 août, comment dois-je faire ? J’ai fait la demande
début mai !! »
MDPH :
« Aaaahhh ! Mais il faut 4 à 5 mois d’instruction pour une
demande ! »
Moi
à bout de nerf et donc, pleurant. :
« Mais enfin pourquoi 4 à 5 mois pour un simple
renouvellement ? »
MDPH nettement radoucie en m’entendant
pleurer : « Toutes les demandes sont placées dans l’ordre
d’arrivée… Faites un courrier en déposant votre accusé afin d’essayer de faire
accélérer les choses… »
J’ai
donc décidé de me déplacer à la MDPH avec ma fille pour déposer le courrier et
l’accusé de réception.
J’ai
été accueilli par un monsieur charmant à qui j’ai dû tout réexpliquer…
Moi :
« Quand peut-on espérer que le dossier passe en commission ? »
MDPH :
« Même avec un courrier, le dossier a très peu de chance de passer début
août…
Moi :
« Est-il possible d’avoir un certificat ou un document attestant du handicap
de ma fille pour le train ? »
MDPH :
« Non. Le seul document que je peux vous fournir est un accusé réception
de votre demande »
Moi :
« Pourquoi les durées d’instruction sont elles aussi longues ? »
MDPH :
« Toutes les demandes sont classées par ordre et sont donc traitées à la
suite… C’est une première demande ? »
J’avoue
que là, les bras m’en sont tombés… Ma fille était avec moi. J’ai donc explosé
une fois de plus.
Moi :
« Une première demande ??? Mais vous plaisantez ? Ma fille a 17
ans. Elle est reconnue handicapée depuis qu’elle a 1 an. Voilà 12 ans qu’elle a
une carte d’invalidité ! Elle a un grave handicap dont elle ne guérira
jamais ! Croyez-bien que si elle venait à guérir, je vous en informerais
tout de suite, et même je vous apporterais le champagne pour fêter
ça ! »
MDPH :
« Oui je comprends ».
Moi :
« Vous comprenez ? Je ne pense pas non… Il y a une grosse différence
entre traiter les dossiers des personnes handicapées assis derrière son bureau
et avoir un enfant handicapé. Pourquoi tous les dossiers sont il mis sur la
même pile ? Le handicap de ma fille est reconnu. On sait qu’elle
n’évoluera pas ou très peu. Ne peut-on pas faire passer ces dossiers-là en
priorité ? »
MDPH :
« Il faut faire remonter l’information »
Moi :
« J’ai pourtant coché la case « procédure simplifiée ». A quoi
sert-elle alors si elle ne raccourcit pas la durée ? »
MDPH :
« Ah non ! En cochant cette case, vous dites juste que vous ne voulez
pas être convoqués lors des commissions »
Moi :
« Parce qu’on peut venir aux commissions ? Mais je ne savais
pas ! Personne n’a jamais demandé à voir ma fille en commission !
J’aimerais bien venir avec elle et parler directement aux
commissions ! »
C’est
donc sur les conseils de ce monsieur que je vous adresse ce long courrier.
Pourquoi
tout est si compliqué ? Avoir un enfant handicapé est un combat au
quotidien. Si en plus, l’organisme qui est censé nous aider et nous faciliter la
vie ne remplit pas sa tâche…
Les
démarches sont longues (entre 5 mois et 18 mois). Les processus ne sont pas
optimisés (tout est fait par courrier alors que le mail ou le téléphone seraient
plus rapides, plus simples et moins coûteux).
Je
conçois que les premières demandes soient plus longues à traiter.
Mais
lorsque le handicap est avéré, que l’on sait qu’il n’a pas de guérison, tout au
plus une légère progression, ne pourrait-on pas créer un autre circuit ?
Et prolonger les durées de validité autant des certificats médicaux que des
cartes d’invalidité ?
Nous
en sommes à une douzaine de demandes en 15 ans et demi. Avec à chaque fois
plusieurs pages à compléter.
A
chaque demande que nous complétons, nous nous prenons le handicap de notre
fille et les difficultés à le gérer en pleine figure.
L...
est, et restera handicapée toute sa vie. Merci de respecter son handicap et de
nous respecter en tant que parents d’une enfant handicapée.
A la suite de son courrier, le CG et la MDPH ont contacté mes parents pour en discuter avec elle. Le magazine Déclic aussi pour publier une partie de la lettre.
Mme Carlotti ne lui a pas répondu.
C'est sûrement qu'elle peaufine sa réponse !
Ou pas...