dimanche 25 novembre 2012

Encore des petites soeurs...

Après l'histoire d'Alix, Papa et Maman ont pensé qu'il valait mieux ne pas reprendre le risque de faire un bébé handicapé. Du coup, ils ont décidé d'adopter.
C'est compliqué l'adoption.... Tu dois obtenir un "agrément".
Y a les rendez-vous avec la psychologue, les assistantes sociales, les puéricultrices... Tu dois aller les voir, elles doivent venir chez toi...
Ils disent que c'est pour "le bien de l'enfant". 

Bon. Je veux bien. Mais moi, dans mon école, je vois  certains copains... et leurs parents... et je me dis que pour ces copains-là ça aurait été bien que les parents aient un agrément avant des les avoir...
Les parents qui boivent, qui se tapent dessus, qui tapent sur leurs enfants, qui les violent, qui les abandonnent... Ils ont eu un agrément eux ?

Bon, je m'égare...
Papa et Maman, ils ont eu de la chance. Tout le monde a été très gentil avec eux. Et du coup, ils ont eu leur agrément très vite (9 mois).
Après, il a fallu monter le dossier pour aller chercher le bébé. Ils devaient partir au Vietnam. Maman était super pressée alors elle s'est démenée. Obtenir les papiers, les photocopies certifiées, l'organisme, les traductions du dossier... Toussa toussa...
En mois d'un an, tout était bouclé. Ils devaient partir en Août.
Au mois de Juin, Maman rappelle l'association avec laquelle ils devaient partir. Et là, pas de bol, le monsieur lui dit :
"Ah... On ne peut pas partir en Août. Le Vietnam vient de fermer ses frontières pour l'adoption. Il faut attendre, il n'y aura rien de possible avant l'année prochaine."

Et bim ! Le drame !! Vous me direz "Rhooooo ! C'est rien d'attendre 6 mois quand ça fait déjà deux ans !"
Ben pour Maman si. Elle avait besoin d'un bébé comme d'autres ont besoin d'air pour respirer... Elle était jalouse de toutes les femmes enceintes qu'elle voyait dans la rue.
Elle pleurait à chaque fois qu'une amie lui annonçait une grossesse ou une naissance...

Alors, Maman, elle a dit à Papa : "Un risque sur quatre à chaque fois... On a pas eu de chance deux fois... Mais normalement, on a trois chances sur quatre d'avoir un enfant normal...". C'est un peu compliqué pour moi tout ça, mais visiblement elle avait l'air sûre d'elle.
Bref, elle voulait faire un autre bébé.

Et hop ! Aussitôt dit, aussitôt fait !
Euh... façon de parler hein ? 
Maman s'est retrouvée enceinte en moins de deux...
C'était chaud quand même... Elle voulait le dire à personne.
Ben oui... Si ça se terminait mal, elle avait pas envie que tout le monde soit au courant...
Elle l'avait juste dit à sa sœur. Et même pas à mes grands-parents !
Parce qu'en fait, il fallait attendre presque cinq mois de grossesse pour être sûrs que tout allait bien !
La première échographie était normale... mais en même temps, elles étaient toujours normales...
Quand Papa et Maman sont allés à la 2ème échographie, ils étaient un peu tendus... 
Et là... Bonne nouvelle : Maman attendait un bon gros bébé et pas une crevette avec un périmètre crânien ridicule. 
Ils l'ont annoncé à tout le monde. Y en a qu'ont eu du mal à comprendre qu'ils refassent une tentative... 
Bref. Maman a accouché 3 semaines avant le terme d'un gros bébé de 3,6 kg. C'était encore une fille ! C'est ma petite sœur, Blondie :)
Dès qu'elle est née, Maman l'a pris sur son ventre et lui a expliqué son histoire en pleurant : qu'elle avait une grande sœur handicapée et qu'elle avait eu une autre sœur. C'était difficile, mais elle avait le droit de savoir où elle mettait les pieds !

Moi j'avais déjà 4 ans mais je ne marchais pas depuis bien longtemps et j'étais encore comme un gros bébé. Bon. C'est vrai que de ce côté-là j'ai pas beaucoup changé...
C'était dur pour Maman. J'étais en IME toute la journée, mais le matin et le soir, il fallait s'occuper de moi. Alors ma petite sœur, elle a très vite appris qu'on ne pouvait pas être derrière elle toute la journée. Paraît qu'elle a été super. Quand Maman s'occupait de moi, elle attendait. D'ailleurs, c'est toujours vrai...

Après, quand ma petite sœur a eu quelques mois, Maman et Papa se sont dits que puisque ça avait marché une fois... ça pouvait marcher deux... Ils avaient vraiment envie d'une grande famille.
Alors ils ont tenté le diable.
Et le diable a dit "oui"... 
Plus clairement, à la 2ème échographie, on a vu qu'il y avait un problème, et que le bébé était de nouveau un bébé handicapé... 
Donc Maman a dû à nouveau faire une interruption médicale de grossesse à 5 mois de grossesse. 
Ça s'est pas très bien passé. Parce que le gynéco qui suivait Maman a eu du mal à avoir les signatures. Ben oui, pour pas faire n'importe quoi, pour une IMG le dossier doit passer dans une commission de médecins, et il faut que 3 médecins signent pour que l'IMG puisse être pratiquée. 
Là, le chef du service de gynéco pensait que c'était pas tout à fait justifié... Il pensait sûrement que j'étais un don du ciel et que mes parents pouvaient avoir un 2ème don du ciel...
Le gynéco a quand même eu les signatures, et il a fait l'IMG à Maman. 
C'était encore une petite fille. Un tout petit bébé. Mais un bébé quand même.

Le lendemain, le gynéco lui a dit que si elle se sentait physiquement bien elle pouvait quitter l'hôpital, parce que dans le service, visiblement, l'IMG passait pas terrible...
Du coup, Maman avait vraiment l'impression que c'était pas totalement justifié cette IMG.  Quand on est déjà un peu perdu, ça n'aide pas tellement une ambiance comme ça...
Après, elle a eu beaucoup de mal à s'en remettre. Elle restait enfermée à la maison toute seule pendant que moi j'étais à l'IME et ma sœur à la crèche et elle passait ses journées à pleurer.
Tout le monde s'inquiétait parce qu'elle ne répondait pas au téléphone et qu'elle ne voulait voir personne. 

Et puis, au bout d'un moment, elle a pris sur elle. Elle a dit que ça suffisait maintenant, et qu'il fallait aller de l'avant. 
Maman, elle dit toujours que ça sert à rien de se lamenter sur son sort. On est pas plus heureux pour ça. 
C'est pour ça qu'elle aime pas raconter ses histoires à ses amis. Elle a pas envie qu'ils la plaignent, parce qu'après, ça risquerait d'être encore plus difficile. 
Sinon, quand elle raconte des histoires sur moi, c'est en faisant des bonnes grosses blagues bien lourdes :)
Elle préfère rire Maman.
C'est aussi pour ça qu'elle vous raconte toutes ces histoires. Parce qu'elle sait que c'est un petit peu triste quand même, mais qu'elle préfèrerait que vous vous disiez que finalement c'est pas si terrible que ça et qu'on peut vivre heureux même en ayant vécu des choses malheureuses.

Alors ? Vous êtes convaincus ?
S'il-vous-plaît.... répondez-pas   " .... Ou pas..."



jeudi 22 novembre 2012

J'aime !!!

Il y a beaucoup de choses que j'aime ou que j'aime faire. 

J'aime parler. Je vous l'avais déjà dit hein ? Je suis bavarde. Mais du genre capable de commencer à parler le matin au réveil (pour peu que je sois de bonne humeur bien sûr...) et capable de continuer jusqu'à... J'ai toujours beaucoup de choses à dire. 
Tout à l'heure par exemple, Maman est venue me chercher au car avec Blondie (c'est ma petite sœur) et une de ses copines. On devait déposer Blondie au collège parce qu'elle devait aller faire un cross. On a attendu 1/4 d'heure devant le collège. Et ben pendant tout ce temps, j'ai parlé. 
J'avais tellement de choses à dire ! 
Bon. Je vois bien qu'on ne comprend pas toujours ce que je dis. M'en fous. Je parle quand même. Depuis le temps, ils pourraient faire un effort quand même ! 

J'aime bien répéter aussi. J'ai une bonne mémoire. Et curieusement, je retiens bien les choses que je ne devrais pas forcément retenir... et inversement...
Depuis que je parle, je dis "Jama" pour "pyjama, "chandre" pour  "chambre", "talon" pour "pantalon"...
Mais en revanche, certains mots sont rentrés tous seuls : champagne, apéro, bière...
Du coup à l'école, ils sont persuadés que mes parents boivent l'apéro tous les soirs...

Je répète aussi très bien les gros mots. 
Une fois, Maman avait dit dans la voiture "Gros plouc" (je vous l'ai dit, elle est toujours fine et délicate Maman...).
Juste après, on s'était retrouvés dans un ascenseur avec un monsieur... Pour voir, je me suis amusée à répéter "Gros plouc"... Le monsieur avait fait comme s'il n'avait pas entendu. Pourtant, je vous assure que je l'avais super bien dit ! Maman avait l'air de trouver ça rigolo...

La semaine dernière, on est allés faire de la Jeep avec Papi. Dans la voiture, pour m'occuper, des copains de Papi m'ont appris une chanson : "Papi, si t'es cou...u, appuie, appuie, sur l"champignon : "
La classe... Quand j'ai chanté ça à Maman en descendant de la voiture, elle a trouvé que c'était un peu vulgaire quand même...
Ce qu'elle ne sait pas, c'est que le lendemain, j'ai chanté cette chanson à mes éducateurs !

J'aime manger. Je suis une grosse gourmande. Tellement gourmande que je ne sais pas m'arrêter. Du coup, c'est sympa, parce qu'après je vomis....

J'aime aussi danser et faire la fête. Mais ça, j'ai pas trop le droit, parce que j'ai pas le droit de me coucher trop tard... Alors quand je peux, j'en profite ! 
Surtout que je danse trop trop bien... Avec une grâce et un rythme extraordinaires !

J'aime le tricycle aussi. J'en ai un super beau. Et très grand aussi. Tellement grand qu'il ne rentre pas dans la voiture de Papa... Mais c'est pas grave, on fait du tricycle dans le quartier le dimanche. 
Seulement le dimanche parce que les autres jours y a un peu trop de voitures, et que c'est un peu dangereux... Ben oui. Je regarde pas du tout où je vais et je ne sais pas m'arrêter. Je roule un peu au milieu de la route aussi. Alors quand des voitures arrivent, elles sont obligées de s'arrêter et d'attendre que Papa me pousse sur le côté. C'est pour ça que c'est mieux le dimanche.

J'aime faire des choses calmes. Dessiner, faire des puzzles, regarder des magazines, écouter Maman et Blondie faire de la musique. 
J'aime la piscine et la mer. Et le soleil aussi. 
J'aime regarder la télé.
J'aime dormir. Beaucoup. Je suis une vraie marmotte. Je fais la sieste le mercredi et le week-end et je me couche très tôt le soir. Genre 19h30, 20h... Et le lendemain, pour l'école, je me lève à 7h30 et si y a pas d'école, pas avant 9h ! 
Maman dit que pendant ce temps-là, je lui fous la paix me repose et que ça me fait du bien.

J'aime les câlins et les bisous. Pas avec tout le monde hein ! Attention, je sélectionne ! Je fais des bisous et des câlins aux gens qui m'aiment. Et croyez-moi, j'ai beau être handicapée, je vois bien qui m'aime ou pas. 
Mais quand je vois qu'on m'aime, alors mes câlins sont des vrais et mes bisous aussi.

Il y a tellement de choses que j'aime... En fait, je crois que j'aime bien la vie. 
C'est vrai ! Je suis heureuse de vivre et ça se voit ! 

Et pour une fois, y a même pas de "ou pas"...


jeudi 8 novembre 2012

Ma visite au CHU

11h ce matin, téléphone. La directrice de l'IME. 
J'aime pas.
Ils le savent parce que lorsqu'ils appellent pour des rendez-vous, leur première phrase c'est : "Tout va bien, ne vous inquiétez pas !" ou  "Nouchette a de la fièvre mais ça va :"
Et là, elle a pas dit la phrase magique la directrice.
A la place, elle a dit : "Nouchette s'est blessée".

Cette phrase, j'ai toujours redouté de l'entendre. Quand je l'ai entendu ce matin, j'ai eu l'impression que l'air me manquait. 
Elle était très calme au téléphone, et du coup elle parlait très lentement. Sûrement un peut trop lentement pour moi qui ai tendance à être très nerveuse. 
Entre le moment où elle a dit que Nouchette s'était blessée et le moment où elle a continué à parler, j'ai eu le temps de tout imaginer. 
Et même le pire...
Surtout le pire peut-être... 
C'est bête mais je fonctionne comme ça. J'envisage le pire, toujours, comme ça, je n'ai pas de déconvenue.
Ce qui arrive est toujours mieux que ce que j'ai envisagé. Ce n'est pas être pessimiste, ou du moins je ne le crois pas. C'est juste que je n'aime pas être déçue. Avec ce mode de fonctionnement, je ne suis pas déçue.

Bref. Elle a dit ensuite qu'elle s'était coincée la main dans une porte. 
Et là, très vite tu penses que du coup, ce n'est pas si grave que ça.

Erreur. Parce qu'elle a continué en disant : "On a appelé le SAMU".

Je pense que si elle avait été là devant moi et pas au téléphone, je l'aurais attrapée par le col et je lui aurais demandé de cracher sa Valda d'un coup. Parce que petit morceau par petit morceau, ça passe moyen... et ça agace..
Mais visiblement la formation de directeur d'IME ne comporte pas de formation en psychologie...

Quand elle m'a parlé de SAMU, j'ai de nouveau envisagé le pire. Un peu moins grave que la 1ère fois quand même, mais bien grave quand même. Genre, le doigt est sectionné.
Ce que j'ai demandé assez rapidement d'ailleurs. 
Et là, sa réponse m'a bien réconfortée : "Non, mais on ne voit pas bien. Le doigt tient encore. Mais le SAMU arrive". 
Donc le doigt tient encore mais pas très bien. 
Ok.
Mais c'est pas grave parce que les sauveurs du SAMU arrivent...

On est parties très vite avec Blondie. Parce que je voulais arriver aux urgences avant Nouchette.
Sauf que tu rentres pas comme ça dans un CHU...
Le gardien n'a pas voulu me laisser entrer avec la voiture. 
Même quand je lui ai dit que ma fille handicapée arrivait avec le SAMU aux urgences.
Même quand je lui ai dit que pour repartir, ce serait quand même mieux que je ne sois pas garée trop loin.
Il m'a dit que pour repartir, je retournerai chercher ma voiture et que là, avec un papier des urgences, j'aurai le droit de rentrer en voiture dans l'hôpital pour récupérer ma fille.

Et pendant que je vais récupérer ma voiture ; j'en fais quoi de ma fille ???

Il peut pas savoir le monsieur qu'elle ne va pas m'attendre dans son fauteuil sagement. Qu'elle va hurler quand je vais partir parce qu'elle va avoir peur que je l'abandonne.
Il peut pas savoir le monsieur, que le macaron ça veut pas forcément dire que t'es en fauteuil.
Il peut pas savoir qu'on gère pas de la même manière une personne handicapée physique et une personne handicapée mentale.
D'ailleurs, je sais pas s'il y en a beaucoup des gens qui savent que quand t'es handicapé, c'est pas forcément que t'es en fauteuil.
Pour les gens, quand tu parles de handicap, ils voient deux films : "Intouchable" et "Le 8ème jour". Les autres formes de handicap sont pas assez belles pour qu'on en fasse un film sûrement...
Bref, je m'égare...
Quand je suis arrivée aux urgences, Nouchette était déjà là, mais Chéri était arrivé aussi donc il allait pouvoir gérer. 
Je vous ai dit que c'était aux urgences adultes ? Je crois pas... Nouchette a 17 ans. Donc maintenant, c'est un grande, elle ne peut plus aller aux urgences enfants... Et c'est bien dommage...

Elle ne pleurait plus, mais je voyais bien qu'elle avait mal et qu'elle avait peur.
Par chance, elle a été prise en charge rapidement. D'abord par un monsieur qui a voulu lui prendre sa tension.
Comment vous dire Monsieur... Ça va pas être facile, voire pas possible...
Il a pas insisté. Et là, tu te dis ok.
 Donc on te prend la tension quand t'arrives au urgences juste pour faire joli dans ton dossier ? Ou alors c'est vraiment important mais comme elle est handicapée, ben du coup, c'est un peu moins important ?
Ensuite, on sait pas trop, si le cas de Nouchette le branchait moyen ou si c'était la pause déjeuner, mais il est parti. Et c'est une interne ou un médecin, je ne sais pas, qui l'a prise en charge.
Bien sûr, Nouchette ne voulait pas montrer son doigt. Et Nouchette, on peut difficilement lui expliquer que c'est pour son bien qu'elle doit montrer son doigt à la dame. 
La dame a vu vite fait et a dit qu'il fallait faire une radio.
Jusque là, même avec mes études d'expert-comptable, j'aurais pu le faire. (Je sais, c'est méchant, mais je dois me défouler...)
C'est bien le CHU. C'est grand. Entre l'accueil des urgences et la radio des urgences, t'as le temps de te balader... Avec Nouchette qui suit derrière toi en hurlant. Ben oui. Elle a toujours mal et toujours peur.
Parce que pour la douleur aux urgences adultes, on ne donne que des comprimés à avaler. Genre gros truc que même toi quand tu l'avales, soit tu le coinces dans la gorge, soit tu le vomis... 
Y a pas autre chose. Ni effervescent, ni sachet.
Normal, c'est les urgences adultes...

Donc on arrive à la radio avec notre bon. La manip prend le bon et regarde Nouchette. Et là, j'ai vu un grand moment de solitude dans son regard. Par un regard méchant hein ! Juste un regard qui dit "Merde... Comment je vais gérer ça moi ???"
Je lui ai dit qu'il fallait qu'on soit plusieurs pour la tenir. Elle n'a pas entendu. On est tous rentrés pour faire la radio. 
Il n'y avait qu'un tablier de plomb. On a dû en réclamer un second. C'est moi qui ai dit à mon autre fille de se mettre derrière la vitre pour se protéger des rayons. 
Une deuxième manip est arrivée. J'ai pensé qu'elle venait nous aider à tenir Nouchette...
On sentait bien que l'une comme l'autre était perdue.
Nouchette hurlait, se débattait, se mordait, essayait de nous mordre... Pourtant elle maîtrise la radio parce qu'elle a une double scoliose et qu'elle a eu un corset pendant 2 ans et donc, des radio, elle en a passé quelques unes...
La seconde manip lui a dit "Enfin, ne bouge pas, ça ne fait pas mal !"
Je lui ai répondu qu'elle était handicapée MENTALE et qu'elle ne comprenait pas..
"On ne sait jamais" a-t-elle répliqué..
Ben voyons... Ca fait 17 ans qu'on essaie de la gérer, et toi, t'arrives avec tes gros sabots et hop ! Tu résous le problème en un rien de temps !
On a quand même réussi à faire la radio. On a attendu un peu pour les récupérer et on a refait le chemin inverse pour retourner à l'accueil des urgences. 
Avec toujours Nouchette qui suit en hurlant derrière...
Et là, c'était le moment du repas. Alors les internes et les externes quittaient les urgences pour aller déjeuner.
Tous. Ils se sont tous arrêtés. Ils se sont tous retournés. Ils ont tous observé Nouchette. 
Pas le truc où tu entends quelqu'un crier, tu regardes par réflexe et quand tu vois, tu passes à autre chose.
Non.
Le truc où tu entends, tu t'arrêtes, tu observes.
Maintenant, quand ce genre de situation arrive dans un centre commercial, je ne fais plus attention.
Mais là, dans un CHU, ça m'a choquée. J'attendais plus de retenue ou d'empathie de futurs médecins.
Une dame est sortie d'un bureau et est venue nous demander très gentiment si elle pouvait nous aider. Alors les internes et les externes ont fait demi-tour et sont repartis à leur déjeuner.
Ça nous a fait du bien la dame. On avait plus l'impression d'être avec une bête de foire.

Ensuite, le médecin des urgences a regardé la radio. Elle a dit que ce n'était pas cassé, mais qu'elle devait quand même manipuler le doigt pour voir si les ligaments étaient atteints.
Elle a proposé de faire respirer à Nouchette du protoxyde d'azote afin de diminuer la douleur, et de la calmer pour pouvoir l'examiner. Elle a demandé à une infirmière (ou une externe, je n'ai pas vu le badge) de venir.
L'infirmière est arrivée et a demandé à Nouchette : "Bonjour comment vous appelez-vous ?" ?
?????
"Elle s'appelle Nouchette et est handicapée mentale"...
Nous lui avons dit que nous allions la tenir afin qu'elle puisse lui appliquer le masque. Cette cruche n'osait pas approcher le masque du visage de Nouchette... 
Et le médecin a dû trouver que ça commençait à bien faire parce qu'elle a dit qu'elle allait pouvoir regarder le doigt comme ça...
Elle a regardé 2 secondes et demi pendant qu'on transpirait à tenir Nouchette et a dit que les ligaments n'avaient rien...

Et là... le pompon..."Il faut faire une syndactylie mais il vaut mieux que vous la fassiez à la maison".
Ah bon ? Et pourquoi ? Parce que ça te fait ch t'ennuie de faire un pansement à une handicapée ? Parce que t'as peur qu'elle te brise les tympans ? Parce que t'as peur de te prendre des coups de pieds dans le tibia ?

Donc j'ai dit non... J'ai dit que ça n'allait pas être possible de le faire à la maison, parce qu'il fallait que je la tienne et que Chéri lui fasse le pansement.  Et que donc, il fallait lui faire  ici et maintenant.

Elle est allée chercher le matériel et un petit pansement car il y avait une petite plaie. Elle a dit à l'infirmière qu'elle devait poser le pansement.
Réponse de l'infirmière : "Si j'y arrive..." ???? 
Comment ça ? Donc, parfois, on ne soigne pas, ou on ne panse pas parce que le patient ne se laisse pas faire ? Donc on le laisse comme ça ?
On était trois à la tenir. Chéri, Blondie et moi. Elles lui ont posé son strapping. 
Même un enfant de 5 ans aurait fait mieux.

 On a quand même un léger doute pour les ligaments, vu la manière dont le médecin des urgences a examiné... Je sais, c'est mal de mettre en doute la parole d'un médecin. Mais, là, c'était vraiment moyen. Chéri dit qu'il va essayer de contacter un orthopédiste pour la faire réexaminer. 


Nous sommes maintenant rentrés chez nous. Nouchette est couchée : elle a besoin de se reposer après toutes ces émotions.

Moi j'avais besoin de me défouler.
J'ai été très choquée aujourd'hui par la prise en charge du handicap mental au CHU. On ne peut d'ailleurs pas parler de prise en charge. Elle est inexistante.
Je ne blâme pas les différentes personnes qu'on a pu voir. Elles n'y sont pour rien. 
Elles n'ont pas reçu de formation pour ça. 
C'est dommage. Il y a environ 700 000 personnes déficientes mentalement en France.Ce n'est pas rien.
Serait-ce si compliqué d'intégrer dans les formations médicales un stage en IME ou tout autre endroit où le futur soignant serait mis en contact avec des personnes handicapées mentales et apprendraient ainsi à les accueillir ?
J'ai eu la sensation aujourd'hui que ma fille n'avait pas reçu toute l'attention, ni tous les soins qu'elle aurait dû recevoir. Effectivement, c'est difficile et c'est plus long de s'occuper d'elle que d'un adulte qui a toute sa tête. 
Mais ce n'est pas une sous-personne. Elle est "juste" handicapée mentale. Elle a le droit aussi de recevoir des soins. Au même titre que n'importe qui.

J'ai décidé de faire un courrier au directeur du CHU (je sais, je suis très lettre en ce moment...). 
J'aimerais que les choses évoluent et je me dis qu'avec un courrier, ça va forcément bouger...


Ou pas...






mercredi 7 novembre 2012

Je suis la topine de Romain

En ce moment, j'arrête pas de penser à Romain.
Romain, c'est un copain de l'IME. Il est parti en stage il y a 2 ou 3 mois. Alors moi, j'arrête pas de dire à la maison : "Romain, il est en stage".
J'aime bien Romain. Et lui aussi il m'aime bien. Dès fois, dans la cour, il essaie de me donner la main. J'aime pas trop qu'on me touche alors je le laisse pas faire. Mais il essaie quand même. Et quand il voit mes parents, il dit "Nouchette, c'est ma topine !".

Bon faut pas rêver non plus. Je suis pas plus sa topine que la topine d'un autre... Mais bon. Ça lui fait plaisir faut croire !

Bref. C'est pas pour ça que je vous raconte ça. Y a environ un mois, on était en train de partir de l'école un soir.
Inutile de vous dire que le soir, au moment du départ, c'est un peu le bazar dans l'école. Entre ceux qui doivent prendre les taxis, ceux qui montent dans le car de l'école, ceux dont les parents viennent les chercher et ceux qui sont un peu oubliés... Y a de l'ambiance.
 Donc, ce soir-là, Romain a fait un malaise. Un truc même pas lié à son handicap hein ! Parce que Romain, il est juste handicapé mental (ouais juste...) comme moi ! Bref, il est tombé. Moi je suis montée dans le car et je suis rentrée à la maison.

La suite, c'est mon éducateur F... qui nous l'a racontée le lendemain. Quand Romain a fait son malaise, ils ont appelé le SAMU parce qu'ils arrivaient pas à le réveiller. Quand le SAMU est arrivé, ils ont essayé de le réveiller, mais Romain, visiblement, il dormait vraiment trop fort...
 F... nous a dit qu'il était mort. Bob, un copain a juste ouvert la bouche pour dire "Triste..."
Alex, trop marrant a dit : "Ouaaaaais ! Romain est mort !!!!"
Moi, j'ai dit "Romain, il est au ciel". C'est ce que mes parents m'avaient dit quand mon grand-père est mort. Je sais pas trop ce que c'est mais depuis, on l'a pas beaucoup revu...
Ou peut-être même pas du tout. Je sais plus trop...

En tout cas, depuis ce jour-là, on a pas revu Romain à l'école... Moi j'arrête pas de dire à F... et à mes parents qu'il est au ciel (je leur explique quoi !). Mais c'est pas grave. Parce que, qu'il soit parti en stage ou au ciel, il va revenir Romain.
C'est sûr !

 Et il essaiera encore de me prendre la main dans la cour et de faire son mytho en disant que je suis sa topine. Et là, peut-être que je le laisserai faire...

Ou pas...

lundi 5 novembre 2012

Alix

Allez, je vous sens tout fébrile à l'idée d'avoir la suite de mon histoire !
Donc je vous disais que lorsque Papa et Maman ont appris que j'étais handicapée, après il s'était passé des choses trop drôles...

Alors voilà, quelques jours après, Maman avait rendez-vous à l'hôpital avec le gynéco pour la visite du 7ème mois pour mon petit frère (ou ma petite sœur).
Donc ce jour-là Papa travaillait (il était interne) et Maman m'a déposée chez C... qui devait me garder pendant son rendez-vous. Ensuite, elle a pris le bus pour aller à l'hôpital.

Quand elle est arrivée, elle a trouvé que le gynéco était tout bizarre. Il lui a dit :

"Nous avons eu les résultats de l'IRM de L..."
"Ah ! Vous avez vu ? C'est cool hein ? "

Euh... Nan en fait je crois pas qu'elle ait répondu ça... Elle a laissé parler le gynéco.
"Alors voilà. Vous savez que votre fille est atteinte d'une hypoplasie cérébelleuse et d'une microcéphalie ? Et bien, a priori c'est une maladie génétique."
"..."
"Et donc nous sommes très inquiets pour le bébé que vous attendez"
"..."
"Il présente les mêmes mensurations à l'échographie morphologique que L..."
"..."
"Nous voudrions vous faire passer une IRM pour voir s'il est atteint d'hypoplasie cérébelleuse également. Si vous voulez, vous pouvez monter voir Mme M... qui est neuro-pédiatre".

Et donc voilà Maman, seule, partie voir Mme M... la neuro-pédiatre pour discuter de mon cas et du bébé à venir.
En gros, cette dame lui a dit que mon handicap n'allait pas être une partie de plaisir.
Qu'a priori, je ne serais jamais indépendante.
Qu'on était même pas sûrs que je marcherai un jour.
Que je n'irai jamais à l'école.
Que peut-être je ne parlerai pas.
Que la vie serait très difficile avec moi.

Alors... imaginez avec un 2ème bébé...

Sauf que moi, j'avais 1 an. Et à 1 an, un bébé, c'est pas indépendant, ça marche pas toujours, ça va pas à l'école, ça parle pas... 
Donc pour Maman, c'était pas tellement concret tout ça...
Mais ce qu'elle a compris, c'est qu'on lui conseillait proposait de faire une interruption de grossesse.
A 7 mois...

Elle est redescendue voir le gynéco. Il l'a même pas examinée. On s'en foutait. On savait que le bébé était handicapé...

Elle est repartie de l'hôpital comme elle était venue.
Toute seule et en bus.
En pleurant aussi. Ça doit faire bizarre de voir une femme enceinte pleurer toute seule dans le bus.

Y avait pas de téléphone portable à l'époque. Alors elle avait même pas pu appeler Papa pour le prévenir.
Il aurait la surprise en rentrant. Ce serait tellement plus drôle.

Elle est revenue me chercher chez C... comme si de rien n'était. La belle-fille de C... était là et lui a proposée de nous déposer à l'appartement. Maman a dit oui. Parce que c'est compliqué de prendre le bus enceinte avec un bébé de 1 an.

Dans la voiture, V... a dit à Maman : "Ça va ? Ça s'est bien passé ta consultation ?" Parce qu'en fait elle avait bien vu que Maman allait pas bien du tout...

Et Maman, dans ces cas-là, faut pas être gentil avec elle parce que sinon, elle pleure... Donc Maman a raconté à V... en pleurant. Et V... a été très gentille. Mais elle pouvait rien faire pour le bébé...

Quand Papa est rentré le soir, Maman lui a tout raconté. Le gynéco avait proposé qu'ils aillent voir un spécialiste à Paris pour discuter. Au début Maman avait dit que s'il fallait faire une interruption de grossesse, ce serait peut-être mieux de pas trop tarder. Mais le gynéco a dit que si. Il fallait se laisser le temps de réfléchir.
Avec le bébé qui bouge dans le ventre, c'est pas facile de réfléchir...

Bref. Ils sont allés passer l'IRM (enfin que Maman hein ? Parce que Papa, c'était pas la peine). Donc comme quand elle avait passé l'IRM pour moi, on lui a donné des somnifères pour que le bébé dorme.
Et le bébé a dormi. Et les radiologues ont bien vu.
Le bébé, il était tout comme moi. Handicapé tout pareil.
Ensuite, ils sont allés à Paris. Ils ont discuté avec le spécialiste qui a dit la même chose que la neuro-pédiatre. Et qui a dit aussi que c'était une maladie génétique autosomique récessive.
Ça veut dire qu'il y a à chaque grossesse un risque sur 4 que le bébé soit porteur de la maladie.
Au départ, les parents sont tous les deux porteurs d'un gène qui a muté et ils ont 1 chance sur des millions de se rencontrer et de faire des bébés ensemble. Et après, à chaque fois, 1 seul risque sur 4.
Visiblement, j'ai des parents vachement chanceux, parce qu'ils se sont rencontrés avec leurs gènes tout pourris, et que sur 2 bébés, ils avaient gagné à chaque fois !

Le spécialiste leur a dit aussi que c'était une maladie orpheline. Et que donc, y avait pas tellement de recherches dessus...

Quand ils sont rentrés, ils avaient pris leur décision. Ils allaient faire une interruption de grossesse.
Alors ils ont rappelé le gynéco et ont fixé la date quelques jours après.

Ils ont été longs ces jours-là... Maman s'en souvient bien. C'est très dur d'avoir un bébé en bonne santé dans son ventre et d'avoir pris la décision que finalement, ce bébé-là, il ne devait pas vivre...

Maman est entrée à l'hôpital. Les IMG (interruptions médicales de grossesse) se passent au même endroit que les accouchements. C'est sympa d'entendre les bébés pleurer quand on sait que le sien ne pleurera jamais.
Elle avait demandé à avoir une césarienne. Genre, on t'endort. Le gynéco fait sa petite affaire. Tu te réveilles, et tu repars avec un ventre tout plat et les mains dans les poches. Comme ça tu peux passer très vite à autre chose...
Mais non. Pour les IMG, c'est toujours un accouchement par voie basse. Ils disent que comme ça y a pas de cicatrices et que tu fais le deuil du bébé plus facilement.
Le problème, c'est qu'à 7 mois et demi (31 semaines exactement), le bébé a pas forcément envie de sortir...
Alors on provoque l'accouchement en donnant un médicament et en appliquant un produit sur le col de l'utérus pour l'aider à s'ouvrir.
Et après on attend...
T'as quand même le droit à une péridurale. Manquerait plus que tu souffres physiquement...

Mais y a quand même un truc auquel on pense pas. C'est que, quand tu accouches à 7 mois et demi, le bébé, il peut vivre... Mais il faut pas... Donc il faut faire quelque chose.
"Cette chose", c'est le gynéco qui la fait avant que le bébé sorte. Comme ça, après, le bébé ne bouge plus... C'est peut-être ça qui a le plus marqué Maman...
Je vous passe des détails, parce que c'est quand même pas super rigolo...
A la fin, la sage-femme est venue avec le bébé dans les bras. Papa et Maman ont pu lui parler un peu et lui faire un bisou.
C'était une fille.
C'était ma petite sœur.
Elle s'appelait Alix.


Alix a été incinérée quelques jours après quand Maman a pu se relever et sortir de l'hôpital.
Y avait pas mal de choses à digérer : Alix, mon handicap et les bébés à (ne pas) venir.
Papa et Maman ont décidé qu'ils ne feraient plus de bébé. C'était trop risqué. Maman disait qu'ils avaient la quantité mais pas la qualité... (C'est toujours fin et délicat les blagues de Maman). Du coup, ils ont décidé qu'ils allaient adopter un bébé.
Ben oui ! C'est quand même plus facile l'adoption.


Ou pas...