lundi 5 novembre 2012

Alix

Allez, je vous sens tout fébrile à l'idée d'avoir la suite de mon histoire !
Donc je vous disais que lorsque Papa et Maman ont appris que j'étais handicapée, après il s'était passé des choses trop drôles...

Alors voilà, quelques jours après, Maman avait rendez-vous à l'hôpital avec le gynéco pour la visite du 7ème mois pour mon petit frère (ou ma petite sœur).
Donc ce jour-là Papa travaillait (il était interne) et Maman m'a déposée chez C... qui devait me garder pendant son rendez-vous. Ensuite, elle a pris le bus pour aller à l'hôpital.

Quand elle est arrivée, elle a trouvé que le gynéco était tout bizarre. Il lui a dit :

"Nous avons eu les résultats de l'IRM de L..."
"Ah ! Vous avez vu ? C'est cool hein ? "

Euh... Nan en fait je crois pas qu'elle ait répondu ça... Elle a laissé parler le gynéco.
"Alors voilà. Vous savez que votre fille est atteinte d'une hypoplasie cérébelleuse et d'une microcéphalie ? Et bien, a priori c'est une maladie génétique."
"..."
"Et donc nous sommes très inquiets pour le bébé que vous attendez"
"..."
"Il présente les mêmes mensurations à l'échographie morphologique que L..."
"..."
"Nous voudrions vous faire passer une IRM pour voir s'il est atteint d'hypoplasie cérébelleuse également. Si vous voulez, vous pouvez monter voir Mme M... qui est neuro-pédiatre".

Et donc voilà Maman, seule, partie voir Mme M... la neuro-pédiatre pour discuter de mon cas et du bébé à venir.
En gros, cette dame lui a dit que mon handicap n'allait pas être une partie de plaisir.
Qu'a priori, je ne serais jamais indépendante.
Qu'on était même pas sûrs que je marcherai un jour.
Que je n'irai jamais à l'école.
Que peut-être je ne parlerai pas.
Que la vie serait très difficile avec moi.

Alors... imaginez avec un 2ème bébé...

Sauf que moi, j'avais 1 an. Et à 1 an, un bébé, c'est pas indépendant, ça marche pas toujours, ça va pas à l'école, ça parle pas... 
Donc pour Maman, c'était pas tellement concret tout ça...
Mais ce qu'elle a compris, c'est qu'on lui conseillait proposait de faire une interruption de grossesse.
A 7 mois...

Elle est redescendue voir le gynéco. Il l'a même pas examinée. On s'en foutait. On savait que le bébé était handicapé...

Elle est repartie de l'hôpital comme elle était venue.
Toute seule et en bus.
En pleurant aussi. Ça doit faire bizarre de voir une femme enceinte pleurer toute seule dans le bus.

Y avait pas de téléphone portable à l'époque. Alors elle avait même pas pu appeler Papa pour le prévenir.
Il aurait la surprise en rentrant. Ce serait tellement plus drôle.

Elle est revenue me chercher chez C... comme si de rien n'était. La belle-fille de C... était là et lui a proposée de nous déposer à l'appartement. Maman a dit oui. Parce que c'est compliqué de prendre le bus enceinte avec un bébé de 1 an.

Dans la voiture, V... a dit à Maman : "Ça va ? Ça s'est bien passé ta consultation ?" Parce qu'en fait elle avait bien vu que Maman allait pas bien du tout...

Et Maman, dans ces cas-là, faut pas être gentil avec elle parce que sinon, elle pleure... Donc Maman a raconté à V... en pleurant. Et V... a été très gentille. Mais elle pouvait rien faire pour le bébé...

Quand Papa est rentré le soir, Maman lui a tout raconté. Le gynéco avait proposé qu'ils aillent voir un spécialiste à Paris pour discuter. Au début Maman avait dit que s'il fallait faire une interruption de grossesse, ce serait peut-être mieux de pas trop tarder. Mais le gynéco a dit que si. Il fallait se laisser le temps de réfléchir.
Avec le bébé qui bouge dans le ventre, c'est pas facile de réfléchir...

Bref. Ils sont allés passer l'IRM (enfin que Maman hein ? Parce que Papa, c'était pas la peine). Donc comme quand elle avait passé l'IRM pour moi, on lui a donné des somnifères pour que le bébé dorme.
Et le bébé a dormi. Et les radiologues ont bien vu.
Le bébé, il était tout comme moi. Handicapé tout pareil.
Ensuite, ils sont allés à Paris. Ils ont discuté avec le spécialiste qui a dit la même chose que la neuro-pédiatre. Et qui a dit aussi que c'était une maladie génétique autosomique récessive.
Ça veut dire qu'il y a à chaque grossesse un risque sur 4 que le bébé soit porteur de la maladie.
Au départ, les parents sont tous les deux porteurs d'un gène qui a muté et ils ont 1 chance sur des millions de se rencontrer et de faire des bébés ensemble. Et après, à chaque fois, 1 seul risque sur 4.
Visiblement, j'ai des parents vachement chanceux, parce qu'ils se sont rencontrés avec leurs gènes tout pourris, et que sur 2 bébés, ils avaient gagné à chaque fois !

Le spécialiste leur a dit aussi que c'était une maladie orpheline. Et que donc, y avait pas tellement de recherches dessus...

Quand ils sont rentrés, ils avaient pris leur décision. Ils allaient faire une interruption de grossesse.
Alors ils ont rappelé le gynéco et ont fixé la date quelques jours après.

Ils ont été longs ces jours-là... Maman s'en souvient bien. C'est très dur d'avoir un bébé en bonne santé dans son ventre et d'avoir pris la décision que finalement, ce bébé-là, il ne devait pas vivre...

Maman est entrée à l'hôpital. Les IMG (interruptions médicales de grossesse) se passent au même endroit que les accouchements. C'est sympa d'entendre les bébés pleurer quand on sait que le sien ne pleurera jamais.
Elle avait demandé à avoir une césarienne. Genre, on t'endort. Le gynéco fait sa petite affaire. Tu te réveilles, et tu repars avec un ventre tout plat et les mains dans les poches. Comme ça tu peux passer très vite à autre chose...
Mais non. Pour les IMG, c'est toujours un accouchement par voie basse. Ils disent que comme ça y a pas de cicatrices et que tu fais le deuil du bébé plus facilement.
Le problème, c'est qu'à 7 mois et demi (31 semaines exactement), le bébé a pas forcément envie de sortir...
Alors on provoque l'accouchement en donnant un médicament et en appliquant un produit sur le col de l'utérus pour l'aider à s'ouvrir.
Et après on attend...
T'as quand même le droit à une péridurale. Manquerait plus que tu souffres physiquement...

Mais y a quand même un truc auquel on pense pas. C'est que, quand tu accouches à 7 mois et demi, le bébé, il peut vivre... Mais il faut pas... Donc il faut faire quelque chose.
"Cette chose", c'est le gynéco qui la fait avant que le bébé sorte. Comme ça, après, le bébé ne bouge plus... C'est peut-être ça qui a le plus marqué Maman...
Je vous passe des détails, parce que c'est quand même pas super rigolo...
A la fin, la sage-femme est venue avec le bébé dans les bras. Papa et Maman ont pu lui parler un peu et lui faire un bisou.
C'était une fille.
C'était ma petite sœur.
Elle s'appelait Alix.


Alix a été incinérée quelques jours après quand Maman a pu se relever et sortir de l'hôpital.
Y avait pas mal de choses à digérer : Alix, mon handicap et les bébés à (ne pas) venir.
Papa et Maman ont décidé qu'ils ne feraient plus de bébé. C'était trop risqué. Maman disait qu'ils avaient la quantité mais pas la qualité... (C'est toujours fin et délicat les blagues de Maman). Du coup, ils ont décidé qu'ils allaient adopter un bébé.
Ben oui ! C'est quand même plus facile l'adoption.


Ou pas...





4 commentaires:

  1. Bonjour Eryka,

    Je suis maman d'une petite fille et j'attends un autre enfant. Par bonheur, ils sont tous deux en bonne santé. Ton blog me touche beaucoup. Il nous permet à nous, parents d'enfants en bonne santé, de comprendre un peu mieux le quotidien de parents d'enfants handicapés. J'espère qu'il sera également pour toi une bouffée d'oxygène, une fenêtre ouverte sur l'extérieur permettant de sortir de cette solitude dans laquelle sont si souvent enfermées les familles comme la tienne. A très vite ici.

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  2. Merci pour ce message ! Mais ce n'est peut-être pas une bonne idée de lire ce blog durant la grossesse :-)

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  3. Oh, je suis naturellement anxieuse. Alors, grossesse ou pas, lecture de blog ou pas, je trouve toujours un moyen de m'inquiéter. Je ne vais pas arrêter de m'intéresser au monde qui m'entoure pour ça !

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